Ma Citoyenneté vue par Charles Berling

Les mots du comédien

Tous les engagements ont force d’exemple, fussent-ils personnels, intimes, circonstanciés ou au contraire enclenchés pour le bien commun.

A la lecture du témoignage de Françoise Cauwel, je me suis immédiatement rappelé ce constat dont j’ai si souvent observé la véracité dans ma vie professionnelle, artistique et personnelle : il y a ceux qui se cachent, parfois derrière des mots et des postures. Et puis il y a ceux qui s’engagent et font de leur action un moteur susceptible d’exemplarité.

Confronté quotidiennement aux grands textes de la langue française, je n’ai pas à priori d’appétence pour ces témoignages livresques où les politiques tentent souvent vainement de justifier d’une existence « normale » et de projets grandioses pour notre avenir. Je ne suis pas sensible à ce genre littéraire, loin s’en faut, et je suis de ceux qui estiment que les rayons des librairies devraient être consacrés à ce qui fait œuvre et non pas aux confessions de ceux qui ont déjà pignon sur rue comme sur les écrans de nos médias.

Mais Françoise Cauwel n’est pas de ce genre-là.

D’abord, elle n’est pas un « homme » politique, mais une femme politique !

Très efficacement, elle nous rappelle , en France, il est toujours périlleux et complexe de s’investir politiquement dans notre pays quand on est une femme. Elle souligne ce paradoxe terrible de l’inégalité totale de traitement dans la question du genre en France, et que les clichés ont la vie dure, toujours.

Elle ne témoigne pas de cela selon des grands principes abstraits. Elle ne le fait pas du haut de sa tour d’ivoire ou de son poste parlementaire à la capitale. Elle part de sa vie et de son engagement local pour nous montrer la nécessité d’un investissement profond et proche des citoyens. Les principes sont toujours là, ils n’ont que faire de l’endroit où ils s’exercent. Avec émotion et simplicité, elle nous démontre que l’expérience personnelle et les convictions intimes sont souvent le socle d’un engagement plus global au service des autres.

Mais un investissement politique local est par définition tributaire des contingences de sa région. L’engagement de Françoise Cauwel aurait pu se briser sur la victoire du Front National à Fréjus où elle exerçait son mandat et son engagement.

Il n’en est rien.

Elle a continué le combat, souvent seule, souvent contre son propre camp politique, estimant que rien ne justifiait que l’on abandonne le terrain à un mirage populiste, xénophobe et dangereux. De cette expérience intime et personnelle, elle a récolté l’énergie du courage et d’une conviction plus profonde. On apprend de ses erreurs et on avance de ses échecs.

Co-directeur d’une structure culturelle importante du département du Var, dans une ville qui a eu une expérience concrète de la présence FN, je suis sensible non seulement à cet engagement citoyen exemplaire, mais aussi à l’importance de la culture que cet engagement démontre. Françoise est une femme de culture, qui tient à mettre cette notion pourtant bien absente des débats actuels au cœur de ses combats et de ses actions. Avec de nombreux acteurs culturels régionaux et nationaux, parmi lesquels Dominique Bluzet, Bernard Foccroule, Macha Makaieff, Raphaël Imbert, j’ai signé un « appel des acteurs de la culture » pour soutenir l’Appel pour Fréjus de Françoise, paru sur le Monde.fr, dénonçant au passage la politique culturelle du Front National.

Le livre de Françoise Cauwel n’a sans doute pas d’autre prétention que de présenter son combat et son parcours pour mieux l’affirmer. En dehors de toute velléité littéraire, il n’en est que plus émouvant et efficace. Son titre est sans doute direct, trop sans doute pour certain. Il rappelle juste que l’émancipation passe par la transgression des outils sémantiques de l’adversaire, que la liberté passe par l’humour, l’esprit et la culture. Le texte intime de Françoise a le mérite de nous remettre en mémoire ces outils. Il a la force de l’engagement et de la conviction si rare et nécessaire à notre époque.

Charles Berling

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